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6.3.5. LE RECOURS AU TÉLÉTRAVAIL EN PÉRIODE DE CRISE SANITAIRE

Principe général relatif à la mise en place du télétravail au sein des entreprises : Jusqu’au 9 juin 2021, le télétravail a été « la règle » : il devait être généralisé et privilégié lorsqu’il était possible.
Lorsque le télétravail n’était pas possible, le travail peut se poursuivre en présentiel.
Le Ministère du Travail, à défaut de disposer des supports juridiques nécessaires à la généralisation obligatoire du télétravail, a adopté une tonalité « dure » du protocole national sanitaire sur ce point.
Cette orientation a conduit à de nouvelles actualisations de ce protocole ainsi que du questions-réponses élaboré par le Ministère du Travail.
La dernière mise à jour de ce questions-réponses, qui concerne spécifiquement le télétravail, date du 6 janvier 2021.

Voir le questions-réponses du Ministère du Travail :
https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/protocole-national-sante-securite-en-entreprise.pdf
Dans le protocole national sanitaire comme dans son questions-réponses, le Ministère du Travail affirme que le télétravail est un mode d’organisation de l’entreprise qui participe activement à la démarche de prévention du risque d’infection à la Covid-19 et permet de limiter les interactions sociales aux abords des lieux de travail et sur les trajets domicile travail.
Les services de l’administration du travail soulignent que dans les circonstances exceptionnelles actuelles, liées à la menace de l’épidémie, il doit être la règle pour l’ensemble des activités qui le permettent.
Cette assertion ne repose sur aucun support juridique précis, reposant en réalité sur les principes généraux de prévention des risques professionnels tels que définis par le Code du travail.
Dans ce cadre, le temps de travail effectué en télétravail était porté à 100 % pour les salariés qui pouvaient effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance.
Dans les autres cas, l’organisation du travail devait permettre de réduire les déplacements domicile-travail et d’aménager le temps de présence en entreprise pour l’exécution des tâches ne pouvant être réalisées en télétravail, pour réduire les interactions sociales.
Dans son questions-réponses, le Ministère du Travail soutenait que lorsqu’il était possible, le télétravail était juridiquement obligatoire (NB : il n’existe en réalité, à ce jour, aucune base légale solide fondant une telle assertion).
Le protocole national sanitaire applicable au 9 juin 2021 se borne désormais à renvoyer au dialogue social de proximité : désormais, la « règle » préconisée par l’administration du travail n’est plus le télétravail à 100 %. Les employeurs fixent les règles applicables dans le cadre du dialogue social de proximité, en veillant au maintien des liens au sein du collectif de travail et à la prévention des risques liés à l’isolement des salariés
en télétravail.
Avant la mise en place de cette version du protocole national sanitaire, le principe était le suivant : le télétravail intégral demeurait la règle préconisée par le Ministère du Travail pour les salariés pouvant effectuer l’intégralité de leurs tâches à distance, mais ils pouvaient désormais retourner un jour par semaine en entreprise à une double condition :
– en faire la demande ;
– avoir l’accord de l’employeur.
Le retour sur le lieu de travail s’effectuait donc à la demande du salarié et avec l’accord de l’employeur. Ni le salarié, ni l’employeur ne pouvaient l’imposer.
S’agissant des salariés pour lesquels le télétravail n’était pas possible, les règles demeuraient inchangées : l’employeur devait organiser systématiquement un lissage des horaires de départ et d’arrivée afin de limiter l’affluence aux heures de pointe, et respecter l’ensemble des règles d’hygiène et de distanciation physique.
Il devait (et doit encore) également informer les salariés de l’existence de l’application « TousAntiCovid » et de l’intérêt de l’activer pendant les horaires de travail.
L’employeur devait (et doit toujours) chercher à éviter ou limiter au maximum les regroupements et les croisements. Ainsi, les réunions en audio ou visioconférence doivent être privilégiées et les réunions en présentiel rester l’exception.
Le Ministère du Travail recommande toujours aux employeurs d’être attentifs au risque d’isolement engendré par le télétravail et les invite à prendre les mesures de prévention adaptées.
Afin de prévenir les situations de souffrance liées à l’isolement de certains salariés, le questions- réponses préconise ainsi de maintenir au maximum le lien entre les membres de l’équipe, en facilitant les échanges, formels comme informels, par téléphone ou visioconférence.
Tâches pouvant être réalisées en télétravail et tâches non-télétravaillables : La doctrine du Ministère du Travail précise que l’employeur peut adopter la méthodologie suivante afin de déterminer quelles sont les activités susceptibles de donner lieu à télétravail et celles qui ne le peuvent pas :
– lister les principales activités pour chaque fonction ou métier, y compris des activités qui ne sont pas jugées prioritaires habituellement mais qui pourraient avoir une valeur ajoutée pour préparer la sortie de crise ;
– évaluer les freins ou difficultés éventuelles au télétravail pour chacune de ces activités pour l’entreprise, le client et le télétravailleur ;
– identifier si des moyens et conditions peuvent être réunis pour lever ces difficultés (matériel de travail, installation de connexion sécurisée…).
L’administration du travail insiste sur le fait que ce travail doit impérativement être réalisé avec les salariés concernés afin d’identifier ce qui rend possible le télétravail et ce qui l’empêche, ce qui le facilite et ce qui
le contraint.
Pour les activités qui ne peuvent être réalisées en télétravail, le Ministère du Travail souligne que l’employeur doit organiser, de manière systématique, un lissage des horaires de départ et d’arrivée du salarié afin de limiter l’affluence aux heures de pointe.
Les préconisations classiques du protocole national sanitaire continuent donc à recevoir application dans cette situation.
Télétravail et obligation de sécurité de l’employeur : Dans son questions-réponses sur le télétravail, le Ministère du Travail indique : « Un employeur qui, alors que son activité s’y prête, refuserait de mettre en place le télétravail pourrait, au vu des conditions d’exercice du travail et des mesures de prévention mises en place dans l’entreprise, engager sa responsabilité d’employeur au titre de son obligation de protéger la santé et d’assurer la sécurité de ses salariés ».
Cette formulation, générique, devrait en réalité être étayée par une analyse concrète de la situation de l’entreprise dans le cadre, soit d’un contrôle de l’administration du travail, soit d’un contentieux.
Il n’est pas inexact de soutenir qu’une mise en cause de la responsabilité juridique de l’employeur est possible, s’il y a incompatibilité entre l’activité du salarié en présentiel et les mesures de prévention des risques adoptées au sein de l’entreprise.
Le télétravail est souvent présenté comme la panacée en matière de respect de l’obligation de sécurité de l’employeur. C’est d’ailleurs le cas du questions-réponses du Ministère du Travail qui énonce que le télétravail est « un mode d’organisation du travail qui permet de préserver la santé des salariés tout en permettant la poursuite des activités économiques, dès lors qu’il permet notamment une limitation du nombre
des personnes présentes au même moment au sein de l’établissement afin de préserver la distanciation sociale et limiter les déplacements. »
À cet égard, le Ministère du Travail rappelle que l’employeur peut imposer le télétravail, en application de l’article L. 1222-11 du Code du travail, dans le contexte de la crise sanitaire, à la fois « pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés ».
Pourtant, il importe de relever que le fait que les salariés soient en télétravail ne signifie pas, de manière absolue, que l’employeur est juridiquement sécurisé sur ce point. En effet, une mise en télétravail, surtout sur une période relativement longue, pourrait par exemple nécessiter un contrôle de la vision du collaborateur par le médecin du travail (force est de constater que le Ministère du Travail n’évoque pas les
contraintes juridiques que peut présenter le télétravail pour l’employeur).
En outre, l’employeur doit, même à distance, se préoccuper de savoir quel est le degré de risque d’exposition du salarié au Covid-19 à son domicile.
Une telle obligation s’avère particulièrement délicate à mettre en oeuvre sans intrusion dans la vie personnelle du salarié (surface du domicile du salarié, famille nombreuse, normes de sécurité et sanitaires de l’immeuble, etc).
Dans la pratique, la preuve du respect d’une telle obligation est pratiquement impossible à rapporter pour un employeur.
Frais liés au télétravail : L’article L. 1222-10 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi WARSMANN du 22 mars 2012, disposait que « l’employeur est tenu à l’égard du salarié en télétravail (…) de prendre
en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci » et ce,
sans distinguer selon que le salarié bénéficie ou non d’un bureau et d’un local mis à sa disposition par l’employeur.

L’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 a supprimé l’alinéa précité de l’article L. 1222-10 du Code du travail, faisant ainsi disparaître toute obligation légale pour les employeurs de prendre en charge les frais liés au télétravail.
Mais l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juillet 2005 relatif au télétravail n’a pas été abrogé ou remis en cause par les partenaires sociaux (pas même par le nouvel ANI sur le télétravail en date
du 26 novembre 2020).
Or, ce texte conventionnel prévoit notamment que l’employeur prend en charge les coûts directement engendrés par le télétravail (communication téléphonique, connexions internet, réparations) et est également tenu
de fournir au salarié un service approprié d’appui technique (article 7 de l’ANI).
Son article 7 énonce ainsi : « Article 7
Équipements de travail Sous réserve, lorsque le télétravail s’exerce à domicile, de la conformité́ des installations électriques et des lieux de travail, l’employeur fournit, installe et entretient les équipements nécessaires
au télétravail. Si, exceptionnellement, le télétravailleur utilise son propre équipement, l’employeur en assure l’adaptation et l’entretien.
L’employeur prend en charge, dans tous les cas, les coûts directement engendrés par ce travail, en particulier ceux liés aux communications.
L’employeur fournit au télétravailleur un service approprié d’appui technique.
L’employeur assume la responsabilité́, conformément aux dispositions en vigueur, des coûts liés à la perte ou à la détérioration des équipements et des données utilisées par le télétravailleur.
En cas de panne ou de mauvais fonctionnement des équipements de travail, le télétravailleur doit en aviser immédiatement l’entreprise suivant les modalités fixées par celle-ci.
Le télétravailleur prend soin des équipements qui lui sont confiés. »
Mais l’article 1 de l’ANI évoque une application de ces règles au télétravail dit « régulier ». Le télétravail occasionnel, ou résultant de préconisations émanant des pouvoirs publics dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, se trouverait donc exclu.
Il faut enfin relever que l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail du 26 novembre 2020 (intitulé Accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 pour une mise en oeuvre réussie du télétravail) comporte un article 3.1.5. portant sur la prise en charge des frais professionnels. Ce texte énonce :
« Le principe selon lequel les frais engagés par un salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail doivent être supportés par l’employeur s’applique à l’ensemble des situations de travail.
À ce titre, il appartient ainsi à l’entreprise de prendre en charge les dépenses qui sont engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise, après validation
de l’employeur.
Le choix des modalités de prise en charge éventuelle des frais professionnels peut être, le cas échéant, un sujet de dialogue social au sein de l’entreprise.
L’allocation forfaitaire versée, le cas échéant, par l’employeur pour rembourser ce dernier est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite des seuils prévus par la loi. »
Important : il faut donc considérer que l’employeur est tenu d’une obligation générale de prise en charge des frais professionnels engagés par le salarié pour les besoins de l’activité professionnelle. Cette obligation, que rappelle l’ANI du 26 novembre 2020, est d’ordre public.