6.4.2. LA NOTION DE COUVRE-FEU ET SES CONSÉQUENCES
Le décret déclarant l’état d’urgence sanitaire, qui constitue le socle juridique permettant d’établir ce couvre-feu, est paru au Journal officiel
du jeudi 15 octobre 2020.
En droit, la mesure de couvre-feu peut être adoptée par deux formes différentes :
– soit par un arrêté préfectoral,
– soit par une modification du décret (hypothèse probable si on dépasse le territoire de la ville de Paris).
La plupart des arrêtés de couvre-feu pris à ce jour ont été des arrêtés municipaux. Il faut rappeler que le mécanisme du couvre-feu consiste
à interdire de manière extrêmement stricte tout déplacement de la population entre certains horaires déterminés (exception faite pour les
services jugés essentiels à la Nation- déplacements de soins, alimentaires, maintien des services publics indispensables, etc.).
Selon l’article L. 2212-2 5 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), la police municipale a notamment pour mission « le soin
de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires (...) les fléaux calamiteux (...) tels
que les maladies épidémiques ou contagieuses, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours ».
Le maire peut donc justifier de son intervention alors même que l’état d’urgence sanitaire créé par les pouvoirs publics, et mis immédiatement
en application, ne prévoit pas de compétence particulière pour ce qui le concerne.
Certaines préfectures ont alerté les maires de départements concernés de l’éventuelle illégalité des mesures de couvre-feu adoptées.
En effet, la lutte contre le coronavirus relève d’un pouvoir de police spéciale dévolue à l’État et à son représentant dans le département.
Dans ce contexte, le maire ne peut intervenir au titre de ses pouvoirs de police générale qu’en cas de situation d’extrême urgence créant un
péril particulièrement grave et imminent » (arrêt du Conseil d’État Commune de Badinières, 10 octobre 2005).
Plusieurs tribunaux administratifs (TA) ont suspendu, dans certaines communes, des arrêtés municipaux imposant, dans certaines communes,
des mesures plus restrictives que celles édictées ou préconisées par les pouvoirs publics (TA de Caen, 31 mars 2020, TA de Montreuil
du 3 avril 2020 et TA de Cergy-Pontoise du 9 avril 2020). Si ces décisions ont pu surprendre, force est néanmoins de constater qu’elles correspondent
à la jurisprudence classique du Conseil d’État.
La Haute Juridiction administrative n’exclut pas la compétence des maires même dans un domaine qui relève des prérogatives de police
spéciale de l’État. Il est depuis longtemps admis que les maires disposent d’un pouvoir de police générale (arrêt du Conseil d’État du
18 décembre 1959).
Néanmoins, dans de telles circonstances, les maires décidant de mettre en place des mesures plus restrictives sur leurs territoires devront
pouvoir justifier de circonstances locales (autrement dit, d’un risque de trouble à l’ordre public spécifique au territoire de la commune). C’est
le sens de l’ordonnance du Conseil d’État du 22 mars 2020 (Syndicat des Jeunes Médecins).
Enfin, en termes de sanctions, le non-respect de l’arrêté d’un maire est sanctionné par une contravention de 1re classe (38 euros, en application
de l’article R610-5 du Code pénal).
Il en va différemment d’un arrêté préfectoral de couvre-feu qui serait pris sur le fondement de l’article L. 3131-1 du Code de la Santé Publique
et de l’article 2 du décret du 16 mars 2020 : serait alors possible la mise en oeuvre d’une contravention de 4e classe avec amende forfaitaire
(avec un possible alourdissement des sanctions en cas d’infraction d’habitude).
La DGITM a confirmé par courriel aux organisations professionnelles que les activités de transport (TRM, livraisons, TRV) ne sont pas
concernées par l’application de restrictions réglementaires particulières en raison des mesures de couvre-feu. En outre, l’administration des
transports a fait état du fait qu’aient été données des consignes de tolérance pour les contrôles en début de période d’application des nouvelles
règles relatives au couvre-feu.
Le principe du couvre-feu consiste à interdire tout déplacement de personnes hors de leur lieu de résidence, sur une tranche horaire
spécifique. Certains déplacements d’ordre privé sont admis à titre dérogatoire. Il s’agit des déplacements suivants :
« 1° Déplacements à destination ou en provenance :
a) Du lieu d’exercice ou de recherche d’une activité professionnelle et déplacements professionnels ne pouvant être différés ;
b) Des établissements ou services d’accueil de mineurs, d’enseignement ou de formation pour adultes mentionnés aux articles 32 à 35 du
présent décret ;
c) Du lieu d’organisation d’un examen ou d’un concours ;
2° Déplacements pour des consultations, examens et soins ne pouvant être assurés à distance et ne pouvant être différés ou pour l’achat de
produits de santé ;
3° Déplacements pour motif familial impérieux, pour l’assistance aux personnes vulnérables ou précaires ou pour la garde d’enfants ;
4° Déplacements des personnes en situation de handicap et, le cas échéant, de leur accompagnant ;
5° Déplacements pour répondre à une convocation judiciaire ou administrative ;
6° Déplacements pour participer à des missions d’intérêt général sur demande de l’autorité administrative ;
7° Déplacements liés à des transferts ou transits vers ou depuis des gares ou aéroports dans le cadre de déplacements de longue distance
8° Déplacements brefs, dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile pour les besoins des animaux de compagnie ».
Les personnes souhaitant bénéficier de l’un des motifs de dérogations sont tenues d’avoir en leur possession une attestation dérogatoire
de couvre-feu que l’on peut trouver sur le site du Ministère de l’Intérieur.
Le Préfet peut prendre des mesures plus restrictives justifiées par les circonstances locales après avis des autorités sanitaires.
Les restaurants, actuellement fermés administrativement, peuvent maintenir un service de vente à emporter dans le respect des heures de
couvre-feu et maintenir un service de livraison à domicile après l’heure de début du couvre-feu.
À noter : L’offre de transports en commun est mobilisée, il n’y a pas de restriction des transports pour les personnes qui continuent de travailler
en soirée, la nuit ou le matin tôt et pour les déplacements justifiés par les urgences.
À titre dérogatoire, il est permis de se déplacer pendant ce créneau horaire sous couvert d’une attestation pour des motifs précis et restreints
(voir tableau) et en évitant tout regroupement de personnes.
Pour se déplacer, il faut se munir d’un document permettant de justifier que le déplacement considéré entre dans le champ de l’une de
ces exceptions. Les employeurs doivent donc établir un tel document pour les salariés concernés (sur les modèles d’attestation, voir le site
du ministère de l’Intérieur :
https://www.interieur.gouv.fr/Actualites/L-actu-du-Ministere/Attestations-de-deplacement-couvre-feu)
Ces interdictions de déplacement ne peuvent pas faire obstacle à l’exercice d’une activité professionnelle sur la voie publique si elles sont
concernées par les exceptions prévues.
Il est prévu, en cas de non-respect des règles du couvre-feu instaurées dans leur territoire, une amende de 135 euros :
https://www.interieur.gouv.fr/Actualites/L-actu-du-Ministere/Etat-d-urgence-sanitaire-et-couvre-feu-Questions-Reponses
En cas de récidive dans les 15 jours suivants la première amende, le montant s’élève à 200 euros.
Après trois infractions dans un délai de 30 jours, le contrevenant risque jusqu’à 6 mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende. En cas
de non-paiement ou de non-contestation dans
le délai indiqué sur l’avis de contravention, les amendes sont majorées : 375 euros au lieu de
150 euros et 450 euros au lieu de 200 euros