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Il pèse sur l’employeur une obligation générale de sécurité, qui vise à faire en sorte que soient protégées la santé et la sécurité des salariés.
L’obligation de sécurité est notamment issue de l’article L. 4121-1 du Code du travail interprété à la lumière de la directive CEE n° 89-391 du 12 juin 1989, visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail.
La notion est apparue dans le champ du contentieux social avec la nouvelle définition de la faute inexcusable de l’employeur consacrée par les arrêts « Amiante » de 2002, la chambre sociale ayant ainsi statué : « Attendu qu’en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du Code de la Sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver » (Cass. soc. 28 février 2002, pourvoi n° 99-21255).
L’obligation de sécurité pesant sur l’employeur était ainsi érigée en obligation de résultat en droit du travail :
l’employeur était responsable dès la survenance d’un accident ou d’une détérioration de l’état de santé ou de la sécurité du salarié, nonobstant les mesures qu’il aurait pu prendre pour prévenir la situation ou y mettre un terme.
La Cour de cassation a rattaché l’obligation de sécurité de résultat aux dispositions du Code du travail : ainsi, le fondement juridique de cette obligation est devenu un fondement légal à travers l’article L. 4121-1 du Code du travail aux termes duquel « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».
Mais la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu, le 25 novembre 2015, un arrêt « Air France » à l’attendu significatif et de principe, qui modifie les solutions retenues jusqu’à ce jour.
L’arrêt comporte l’attendu suivant : « Mais attendu que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail. »
Auparavant, lorsque le « résultat » se produisait (dans cette espèce, la crise de panique), l’employeur était nécessairement condamné pour manquement à son obligation de sécurité de résultat et ne pas pouvait s’exonérer de sa responsabilité en démontrant qu’il avait tout fait pour empêcher la réalisation du risque.
Dans l’arrêt « Air France », pour la première fois, l’employeur est autorisé à démontrer qu’il a pris toutes les mesures possibles, et qu’il peut donc être exonéré de sa responsabilité sur le fondement de l’obligation de sécurité.
L’obligation de sécurité, auparavant obligation de résultat, devient une obligation de moyen renforcée (ou dite aussi obligation de résultat atténuée). Cela signifie que :
– l’employeur est certes présumé responsable d’un dommage survenu au salarié dans le cadre des relations de travail ;
– mais il peut apporter la preuve qu’il avait pris toutes les mesures de prévention et de suivi nécessaires et qu’ainsi, il avait agi conformément aux dispositions légales. Dès lors, s’il apporte cette preuve, sa responsabilité ne sera pas engagée.
Il ne suffira plus que le risque se matérialise pour que l’employeur soit systématiquement considéré comme fautif, ce qui avait pour inconvénient d’être particulièrement démobilisant en termes de démarche de prévention, puisque le sentiment partagé par tous les acteurs était que « quoi que l’on fasse, l’entreprise est responsable ».
Une échappatoire se dessine : il n’y aura manquement à l’obligation de sécurité que si l’employeur n’a pas accompli toutes les diligences prévues aux articles L. 4121-1 (qui énonce les mesures générales de prévention) et L. 4121-2 (qui fixe les 9 principes généraux de prévention) du Code du travail.
Les interrogations subsistaient concernant la portée de cette jurisprudence relative au harcèlement moral (notamment entre collègues).
Parachevant un long chemin jurisprudentiel, un arrêt de principe rendu par la Cour de cassation le 1er juin 2016 renforce la jurisprudence Air France. En effet, la Cour de cassation admet que l’employeur puisse être exonéré de sa responsabilité en cas de harcèlement moral entre collègues de travail, et ce à une double condition :
– qu’il démontre avoir mis en place une politique de prévention de qualité en amont ;
– qu’il démontre avoir pris des mesures immédiates propres à faire cesser le dommage en aval, qui doivent être mises en oeuvre dès qu’il est informé de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral que l’employeur peut être exonéré de sa responsabilité.
L’arrêt du 1er juin reprend le même attendu de principe que l’arrêt Air France du 25 novembre.
L’arrêt Air France du 25 novembre 2015 avait donc effectivement vocation à changer la donne en matière d’obligation de sécurité dans le domaine des relations individuelles de travail. L’arrêt du 1er juin 2016 opère un revirement de jurisprudence sur la responsabilité de l’employeur en cas de faits de harcèlement moral.
L’obligation de sécurité pesant sur l’employeur est donc désormais une obligation de moyen renforcée : l’employeur est autorisé à rapporter la preuve qu’il a mis en place toutes les mesures de prévention des risques prévues par la loi, et qu’il a, en cas de difficulté, pris toutes les mesures nécessaires en aval pour faire cesser la situation litigieuse. S’il rapporte ces preuves, il sera exonéré de sa responsabilité.