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3.7.10 PÉNIBILITÉ ET RÔLE DU CHSCT
Dans un contexte de montée en puissance du CHSCT, se rajoutant à l’obligation de sécurité de résultat, le chef d’entreprise est tenu, quel
que soit son effectif, d’analyser l’éventuelle exposition de ses salariés aux facteurs de pénibilité définis par le Code du travail.
Dans l’affaire soumise à la cour d’appel d’Aix-en-Provence, l’employeur avait souhaité objectiver et ainsi limiter l’aléa d’une évaluation interne,
en faisant appel à un cabinet extérieur, pour définir les seuils de pénibilité des postes de travail existants au sein des différentes sociétés de
son groupe.
Lors de la consultation des CHSCT sur le plan d’action établi par l’employeur, l’un d’entre eux refusera de rendre un avis en reprochant une
minoration du nombre des salariés exposés et l’absence de pertinence des seuils retenus. Il désignera alors un expert sur le fondement de
l’article L. 4614-12 du Code du travail en lui confiant la mission de procéder à une nouvelle évaluation des facteurs de pénibilité. Le tribunal
de grande instance de Tarascon saisi par l’employeur en contestation de l’expertise le déboutera.
Faisant une lecture différente des textes, la cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt en date du 28 novembre 2013, a infirmé le jugement
de première instance et annulé la désignation de l’expert.
La demande d’expertise du CHSCT était fondée sur l’article L. 4614-12 du Code du travail. Ce texte ne retient la possibilité de désigner un
expert que dans 2 cas limitatifs :
– lorsqu’un risque grave, révélé ou non par un accident du travail ou une maladie professionnelle, est constaté dans l’établissement ;
– en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.
En l’espèce, le CHSCT soutenait que les salariés étaient exposés à de nombreux risques susceptibles de générer un risque grave. Or, le
travail d’analyse réalisé par le prestataire n’avait pas conduit à la découverte d’un tel risque. La cour d’appel a rappelé que l’expertise n’a pas
vocation à rechercher l’existence d’un tel risque. C’est, à l’inverse, l’identification du risque grave qui constitue la condition de déclenchement
du droit à l’expertise.
Les juges du fond se sont positionnés encore plus explicitement, en déclarant que, par principe, « la pénibilité ne peut à elle seule constituer
un risque grave ». Cette position est réaliste au regard des activités humaines dans les différents secteurs d’activités (qui impliquent forcément
l’existence d’activités pénibles). Ce sont donc les circonstances concrètes dans lesquelles certaines activités sont exercées qui peuvent
conduire à identifier un risque grave ouvrant au CHSCT un droit d’expertise, mais non les situations de pénibilité en tant que telles.
Par voie de conséquence et en l’absence de risque grave, seul un projet modifiant les conditions de travail aurait pu justifier l’expertise. Cette
notion n’est pas définie par la loi mais l’étude de la jurisprudence permet d’en définir les contours (réorganisation des services, mise en place
de nouveaux outils de contrôle et d’évaluation, restructuration, etc.).
On note qu’il s’agit dans tous les cas de la mise en oeuvre de choix de gestion de l’entreprise et non de l’application de règles impératives
à visée préventive comme cela est le cas en matière de pénibilité. En tout état de cause, le seul travail de recensement des salariés exposés
à des facteurs de pénibilité n’impacte pas en soi leurs conditions de travail.